Collaboration Cognitive Inconsciente : Fructueuse Mais Destructrice
L'écriture a révélé pourquoi certaines collaborations épuisent, d'autres enrichissent : 5 principes pour naviguer entre modes cognitifs.
Peut-on collaborer efficacement sans s’épuiser ? Pendant des décennies, j’ai collaboré intensivement avec des personnes aux modes cognitifs différents - au prix de ma santé. Ce que l’écriture m’a révélé a transformé cette collaboration destructrice en une méthode consciente et durable.
1. Quand la Neurodiversité Ne Suffit Pas : À la Recherche d’une Collaboration Enrichissante
1.1 Frustration Initiale contre Vision Intuitive
Après m’être retrouvé une nouvelle fois face à une situation quotidienne absurde, j’ai senti monter en moi une impulsion que je ne pouvais plus ignorer. Il fallait que je crée un espace où je pourrais enfin parler ouvertement de mon fonctionnement autistique. Un endroit où je n’aurais pas à tout traduire, tout masquer, tout adapter.
Trois ans s’étaient écoulés depuis mon diagnostic de TSA (Trouble du Spectre Autistique) à 42 ans. Trois années à lire, comprendre, digérer. Des dizaines de livres sur l’autisme, témoignages, portraits cliniques, théories neuroscientifiques. J’avais exploré les mécanismes neuronaux, les rôles des neurotransmetteurs, les modèles cliniques. Tout ce qui pouvait m’aider à comprendre ce que j’avais été toute ma vie sans le savoir.
Mais au moment de lancer ce projet d’écriture, une question s’imposait : quel ton adopter ? Fallait-il que je m’engage dans le militantisme pour les droits des autistes ? Ou simplement m’exprimer librement, sans but ni mission ? Ou encore autre chose ?
C’est là que j’ai réalisé quelque chose : je ne connaissais pratiquement rien du mouvement de neurodiversité. Je m’imaginais que c’était une sorte de promotion de la diversité cognitive, une ouverture vers une synergie harmonieuse entre différentes façons de penser.
Quelque chose comme un prolongement de ce que j’avais fait toute ma vie : m’adapter aux autres tout en préservant ma propre manière de fonctionner. Un équilibre, en quelque sorte.
Il était temps de me pencher sérieusement sur ce mouvement. Je ne savais pas que j’allais droit vers une grosse déception.
1.2 Le Choc de la Découverte du Mouvement Neurodiversité
Le choc a été brutal.
Je découvrais un mouvement de revendication militant là où j’imaginais plutôt une synergie : certains excellant en lecture sociale, d’autres en analyse systématique, créant ensemble une intelligence collective supérieure.
Naïf. J’étais vraiment naïf.
Ce que j’ai découvert, c’était un combat. Un message très militant : exiger des accommodations, demander à la majorité d’accepter les personnes autistes telles qu’elles sont. Un positionnement offensif, nécessaire pour faire prendre conscience d’une différence de fonctionnement trop souvent ignorée.
Ne vous méprenez pas : je comprends parfaitement pourquoi ce combat existe. Les obstacles que rencontrent les personnes autistes dans les environnements conçus pour la majorité sont bien réels. Les codes sociaux implicites sont source d’exclusion. Les difficultés de certains profils autistiques non autonomes demandent de grands efforts d’inclusion. Tout cela est légitime, nécessaire même.
Mais où était l’espace pour cette collaboration enrichissante dont je rêvais, où nos différences deviennent des atouts complémentaires ? La société réduit l’autisme à des obstacles, accommodations, déficits, approche logistique reléguant l’enrichissement mutuel très loin derrière les contraintes de productivité.
L’opportunité d’enrichissement humain que représente la diversité cognitive me semblait gâchée par une obsession de standardisation.
Et moi, dans tout ça, où était ma place ?
1.3 J’avais Déjà Vécu Ces Synergies Cognitives (Sans Le Savoir)
Et puis il y a eu ce déclic.
J’avais passé ma vie à collaborer avec des personnes non autistes dans tous les contextes. Certaines collaborations avaient été extraordinaires, pas malgré nos différences, mais à travers elles.
Je me suis toujours efforcé de m’adapter, de m’aligner sur la façon de penser de la majorité. Là où je détectais des incohérences systémiques, mes collègues excellaient en dynamiques sociales et priorités relationnelles. Cette combinaison de perspectives créait quelque chose de plus riche, de plus complet.
Le problème ?
Je ne savais pas que j’étais autiste. Alors j’ai payé cette collaboration au prix du burnout (syndrome d’épuisement professionnel), du masquage permanent, de l’épuisement total. Sans diagnostic, sans connaissance de ma manière de fonctionner, impossible d’en tenir compte. Impossible d’obtenir les bénéfices sans subir le prix d’un épuisement qui a fini par impacter gravement ma santé.
Mais la synergie, elle, était bien réelle. Je l’avais vécue.
Cette expérience de collaboration inconsciente suivie de mon diagnostic m’a révélé un potentiel que je n’avais vu mis en œuvre nulle part de manière systématique.
Et si je pouvais transformer cette collaboration destructrice et inconsciente en quelque chose de conscient, d’équilibré, de durable ?
2. Mon Laboratoire Accidentel : 42 Ans de Collaboration Cognitive Inconsciente

2.1 Quarante-Deux Ans d’Extraterrestre Déguisé
L’Observation Ethnographique Permanente
Pendant 42 ans, j’ai vécu comme un extraterrestre déguisé parmi les humains.
Chaque interaction était une mission d’observation ethnographique. Je prenais des notes mentales constantes : “Dans cette situation, les gens font X. Ils semblent attendre Y. Je devrais probablement répondre Z pour éviter les problèmes.”
J’ai développé des stratégies d’adaptation sophistiquées sans même réaliser que je m’adaptais à quelque chose. Pour moi, c’était juste “la vie” - complexe, épuisante, souvent absurde, mais c’était comme ça pour tout le monde, non ?
La Collaboration Cognitive Invisible et Fructueuse
Paradoxalement, cette collaboration inconsciente a parfois été extraordinairement fructueuse. Mes collègues saisissaient les enjeux sociaux que je peinais à comprendre; je détectais les incohérences systémiques invisibles pour eux. Ensemble, nous atteignions des résultats inaccessibles individuellement.
Le problème ? Personne ne savait - moi y compris - que je fournissais un effort colossal invisible. Personne ne réalisait que mon “regard unique” était le produit d’un fonctionnement cognitif fondamentalement différent. Personne ne mesurait le prix énergétique de ce masquage permanent.
Quand l’Effort Invisible Mène au Burnout
J’ai tenu comme ça pendant des années. Des décennies.
Jusqu’au burnout. Jusqu’à la dépression. Jusqu’à ce que mon corps commence à dire non par des moyens que je ne pouvais plus ignorer.
Mais j’avais accumulé sans le savoir une expérience unique : celle d’avoir collaboré intensivement avec des personnes au fonctionnement cognitif différent du mien, pendant toute une vie, sans jamais avoir eu les mots pour nommer ce qui se passait.
Un laboratoire accidentel de collaboration cognitive dont personne - pas même moi - ne soupçonnait l’existence.
2.2 Du Direct au Diplomate : Le Prix du Masquage Autistique et l’Épuisement Professionnel
Les Catastrophes Professionnelles
Un des traits autistiques que j’aurais grandement gagné à connaître bien plus tôt ? La communication directe.
J’en ai payé le prix. Lourdement.
Première opportunité de thèse de doctorat : perdue. Sujet fascinant sur les états d’éveil et de sommeil, mais mes remarques trop franches ont heurté. “Marc est brillant mais difficile à manager.” se sont-ils sûrement dits…
Deuxième thèse, celle que j’ai finalement faite sur les circuits de motivation dopaminergiques : j’ai failli la perdre aussi. Même problème. Même incapacité à comprendre que mes observations objectives étaient perçues comme des critiques personnelles offensantes.
J’ai compris le message. Finalement…
La Métamorphose Forcée : Du Masquage à l’Épuisement
Il fallait que je change. Radicalement.
Je suis passé du trop-direct à l’hyper-diplomate en quelques mois. Chaque remarque franche, je la gardais pour moi. Systématiquement. La frustration me rongeait de l’intérieur sans plus jamais sortir.
Ça a marché. Professionnellement, je suis devenu “collaboratif”, “agréable”, “diplomate”.
Mais mon corps a commencé à payer la facture.
Quand le Corps Dit Non
À trente ans, mon système digestif a déclaré forfait. Intolérances alimentaires multiples, et graves. Aucun médecin n’a pu expliquer ce qui m’arrivait. Réactions inflammatoires sévères à des aliments que j’avais mangés toute ma vie.
La sur-adaptation par hyper-diplomatie avait très bien fonctionné du point de vue de mes collègues. C’était la preuve que je comprenais suffisamment leur fonctionnement pour collaborer efficacement.
Mais aujourd’hui, trois ans après mon diagnostic à 42 ans, je comprends enfin : mon corps somatisait un stress que je refusais de voir. Le prix de l’hyper-adaptation.
Je souffre encore de ces intolérances. Chaque repas me rappelle cruellement ce diagnostic TSA trop tardif.
Mon parcours diagnostic détaillé dans Diagnostiqué Autiste à 42 Ans éclaire les mécanismes ayant rendu cette collaboration inconsciente si destructrice.
2.3 Un Laboratoire Accidentel de Collaboration : L’Effort Invisible
Avec le recul, je réalise que j’ai vécu quelque chose d’assez rare.
Quarante-deux ans de collaboration intensive avec des personnes dont le fonctionnement cognitif diffère profondément du mien. Sans diagnostic, sans mots pour nommer ce qui se passait, sans aucun cadre pour comprendre ou soutenir cette collaboration.
Cette collaboration a produit des résultats réels. Des projets aboutis, des innovations, des reconnaissances professionnelles. La preuve que quelque chose fonctionnait, même si personne - moi y compris - ne comprenait vraiment comment.
Mais à quel prix ?
Tout l’effort de gérer la différence reposait uniquement sur moi. Aucune structure, aucun environnement favorable, aucune conscience collective de ce qui se jouait.
Mon effort était invisible. Colossal. Destructeur.
Cette collaboration inconsciente et déséquilibrée reste limitée. Mais son potentiel sous une forme consciente et équilibrée est simple à entrevoir.
Dans ce territoire inexploré entre droits fondamentaux et collaboration optimisée, j’avais accumulé sans le savoir des observations que je n’ai vues documentées nulle part ailleurs.
Ces observations sur la collaboration cognitive inconsciente pourraient éclairer les organisations qui cherchent à optimiser leurs équipes diversifiées, non comme une “politique diversité” supplémentaire, mais comme une compréhension fine des dynamiques créant réellement de la valeur systémique.
Cette collaboration inconsciente révèle un paradoxe organisationnel : les entreprises investissent dans la “gestion de la diversité” en ignorant les mécanismes cognitifs créant réellement de la valeur. Quand des personnes autistes, avec HPI (Haut Potentiel Intellectuel), TDA/H (Trouble de Déficit d’Attention / Hyperactivité) collaborent consciemment avec des collègues aux modes cognitifs différents (reconnaissance mutuelle, sans masquage épuisant, avec structures adaptées), l’intelligence collective dépasse largement les accommodations passives. Les organisations comprenant ces dynamiques transformeront la diversité cognitive d’obligation éthique en avantage stratégique mesurable.
Mais comment transformer ce laboratoire douloureux en quelque chose de conscient, d’équilibré, de durable ? La réponse est venue d’un endroit inattendu : une décision controversée d’un milliardaire excentrique sur Twitter.
3. Dire Non aux Dérives d’Internet : 5 Principes pour Collaborer Sans S’Épuiser
3.1 Le Déclic Révolutionnaire
La Décision d’Elon Musk Qui a Tout Changé
Entre 2014 et 2019, j’avais déjà été créateur de contenu sur internet. J’ai vu la dérive progressive : économie de l’attention, contenus addictifs mais creux, défilement infini (”doom scrolling”). Cette pression m’a étouffé au point que j’ai tout arrêté.
Puis est venu fin octobre 2022. Elon Musk rachète Twitter.
Ce qui m’a frappé ? Pas ses positions politiques controversées. Mais sa décision de ne pas maximiser les revenus publicitaires malgré une pression financière immense. Un acte de rébellion contre l’idée que le profit doit toujours être l’objectif suprême.
En refusant de se soumettre aux exigences des annonceurs qui influencent modération et contenu, il a choisi de privilégier une valeur qu’il juge plus importante : la liberté d’expression.
Cette posture, venant d’un des hommes les plus riches du monde, m’a fait comprendre quelque chose : il est possible d’agir selon ses convictions éthiques, même quand cela contredit les lois non écrites du capitalisme performatif.
X/Twitter a survécu, perdu près de 70% de sa valeur, et continue de susciter la méfiance des annonceurs. Les choix éthiques d’Elon Musk se voient encore dans les conséquences financières négatives assumées.
C’est là que j’ai eu mon déclic personnel.
Si Elon Musk peut défendre un principe éthique sans faiblir face à des pressions financières colossales, alors j’ai le droit d’en faire autant. À mon échelle. Dans mon propre projet.
Personne ne peut m’interdire de privilégier l’authenticité sur la viralité. De choisir 50 lecteurs qui se reconnaissent profondément plutôt que 5000 qui consomment passivement. De dire “non” aux dérives d’internet, même si ça coûte en visibilité.
Cette permission que je me donnais enfin a tout changé.
Ma Petite Révolution
Si Elon Musk peut défendre un principe éthique sans faiblir, pourquoi ne pourrais-je pas aller contre les tendances consuméristes que tout le monde suit aveuglément ?
J’ai décidé de dire “ça suffit !” avec les dérives d’internet.
Au moment de lancer NeuroLucide, j’étais convaincu que je devais définir mes propres règles. J’ai travaillé à un document résumant les points clés de ma ligne éditoriale, y adhérer par conviction profonde, et ne surtout jamais en dévier.
De là sont nés mes 5 principes fondateurs qui me servent de garde-fous contre les dérives.
3.2 Mes 5 Garde-fous Contre les Dérives d’Internet : Principes Fondateurs
Ces 5 principes sont apparus presque simultanément comme une évidence personnelle. Si je me range derrière eux, je me sens à l’aise de créer cet espace de communication authentique.
1. Intégrité Authentique
Le jour où j’ai reçu mon diagnostic TSA, j’aurais pu choisir la version flatteuse : me présenter comme “HPI” (Haut Potentiel Intellectuel), mettre à profit l’étiquette intellectuelle respectable.
J’ai choisi l’inverse. Parler d’autisme. Risquer le jugement, l’exclusion, les “mais tu n’as pas l’air autiste” qui nient mon expérience. Pourquoi ? Parce que les traits autistiques résonnent en moi bien plus profondément que n’importe quel score de QI.
2. Partenariat Authentique
Il m’est arrivé d’avoir des échanges touchants et forts avec des personnes qui ne fonctionnent absolument pas comme moi. L’enthousiasme et la passion pour un sujet commun peuvent transcender les différences et rendre la logique de performance superflue, voire contre-productive.
3. Enrichissement Mutuel
J’ai trouvé ma réponse dans ces échanges où la recherche de la vérité était plus importante que la nécessité de démontrer une utilité. Des moments où nous avons privilégié la qualité de nos échanges et non la quantité de travail accompli. L’épanouissement personnel lié à la possibilité de contribuer de manière authentique, sans peur d’être jugé ou exclu.
4. Révélations Précises
Quand j’ai découvert le concept de masquage autistique, tout s’est éclairé. Pendant des années, j’avais attribué mon épuisement chronique à un manque d’organisation. Réaliser que cette performance constante était une stratégie de survie inconsciente a tout changé. Ce n’était plus une faiblesse personnelle, mais la reconnaissance d’une réalité neurologique. J’ai pu enfin arrêter de me culpabiliser.
5. Respect de la Différence
Mon processus mental qui navigue entre détails fins et perspective globale génère parfois une sur-analyse paralysante. La collaboration avec des esprits orientés action révèle ma valeur unique : ma compréhension systémique guide leur pragmatisme, leur dynamique active en retour mes nouveaux éclairages utiles.
3.3 Ma Révolution Quotidienne
Ces principes matérialisent une sorte de contrat tacite avec moi-même où ils guident mes prises de décisions de manière saine et satisfaisante.
Dans mon écriture : refuser de masquer mes difficultés pour paraître “inspirant”. Quand je parle de burnout, j’inclus les intolérances alimentaires qui me rappellent chaque jour le prix du masquage.
Dans mes interactions : accepter qu’une conversation enrichissante avec quelqu’un qui fonctionne différemment puisse me coûter un jour de récupération. Et que c’est OK. La valeur de l’échange n’est pas annulée par son coût énergétique.
Dans mes choix stratégiques : privilégier 50 lecteurs qui se reconnaissent profondément plutôt que 5000 qui consomment passivement. De mesurer l’enrichissement mutuel plutôt que la performance quantitative.
Dans mon analyse : révéler les motifs que j’observe sans les édulcorer pour plaire, tout en restant conscient de mes angles morts. Offrir mes observations comme contributions vérifiables, pas comme vérités absolues.
Dans mes désaccords : accepter que certaines différences soient irréconciliables. Que la complémentarité n’exige pas l’uniformité.
Cette petite révolution personnelle a un prix. L’algorithme ne me favorise pas. Les métriques restent modestes. Certains trouveront ma démarche naïve, voire prétentieuse.
Mais c’est aussi une immense libération.
Je doute que NeuroLucide devienne un jour populaire ou massivement suivi. L’avenir le dira. Pour l’instant, il faut un robuste sens des valeurs, une bonne dose de courage, et probablement une différence pleinement assumée qui semble apparaître comme de la folie aux yeux de beaucoup.
Mais au moins, c’est ma folie. Pas celle que j’aurais endossée pour plaire.
Note sur la soutenabilité de ce projet :
Contrairement à mes expériences passées de masquage épuisant, NeuroLucide est conçu avec mes limites intégrées dès le départ. Rythme de publication adapté. Énergie investie = énergie disponible. Performance externe sacrifiée pour authenticité durable. Cette fois, pas de burnout au bout du chemin, juste une contribution à mon rythme, selon mes forces, pour aussi longtemps que cela reste enrichissant.
4. Ce Que L’Écriture M’a Révélé : Découverte de la Méthode du Pont Cognitif
4.1 La Surprise de l’Écriture
Le Processus Révélateur
En écrivant cet essai, j’ai découvert que l’écriture elle-même génère des découvertes fascinantes par les questions qu’elle soulève.
En appliquant ce que j’ai décidé d’appeler ma méthode du pont cognitif, j’ai pris du recul sur mes observations vécues pour chercher à faire des connexions, des ponts. Comment rendre explicites des phénomènes que j’ai vécus pour les faire voir aux autres et en retirer une leçon bénéfique ?
La Découverte par l’Écriture
Sans mettre mes idées et réflexions par écrit, je n’aurais pas pu découvrir ces schémas que j’avais déjà en moi depuis longtemps. L’article m’a fait découvrir avec surprise de nouvelles choses fascinantes sur moi-même, justement parce que je cherchais comment rendre mes idées explicites et évidentes, avec l’état d’esprit de vouloir apporter une contribution.
Le processus d’écriture que j’ai choisi d’utiliser a été lui-même un exemple de ma méthode en action. En réfléchissant aux interactions les plus enrichissantes de ma vie, j’ai réalisé qu’elles suivaient 3 schémas récurrents que je n’avais jamais nommés auparavant.
Cette découverte elle-même illustre la méthode du pont cognitif : reconnaître les motifs cachés dans mon expérience, analyser ces dynamiques sous plusieurs angles, identifier où les complémentarités créent une synergie, traduire ces observations en exemples accessibles, et offrir une synthèse pratique vérifiable par l’expérience.
L’écriture a été le laboratoire où cette méthode s’est révélée à moi.
4.2 Trois Schémas de Synergies Cognitives Découverts
Ces schémas ne sont pas des théories abstraites. Ce sont des observations de ce qui s’est réellement passé dans ma vie, encore et encore, sans que je puisse jamais les nommer clairement.
1. Le Projet Immobilier
Lors d’un projet immobilier complexe, ma précision a comblé les lacunes d’une approche purement pragmatique. Alors que mon interlocutrice se concentrait sur l’action immédiate, j’ai systématiquement identifié des détails administratifs critiques manquants. En quelques dizaines de minutes, j’ai reconstitué les éléments dispersés, anticipé des problématiques futures.
C’est ça, le traitement complémentaire : l’approche pragmatique qui saisit rapidement les priorités relationnelles rencontre l’attention aux détails qui révèle les incohérences logiques. Une intelligence collective supérieure émerge.
2. L’Invitation Mystérieuse
En observant de l’extérieur une situation d’invitation à un événement, j’ai utilisé ma capacité à décoder les dynamiques sociales. Un prétexte logistique (places numérotées, voiture pleine) semblait masquer une stratégie d’exclusion subtile. En analysant objectivement chaque détail, j’ai pu expliciter les mécanismes sociaux sous-jacents.
C’est ça, l’amplification par traduction : la lecture intuitive des dynamiques (”je sens que quelque chose cloche”) rencontre l’analyse explicite des motifs sous-jacents (”voici pourquoi”). L’intuition guide l’analyse vers les vrais enjeux. L’explicitation amplifie la valeur de l’intuition en la rendant actionnable.
3. La Surveillance Stratégique
En milieu professionnel, j’ai développé une surveillance précise des zones à risque. Plutôt que de signaler préventivement (risque d’être mal reçu ou considéré à tort comme un excès d’anticipation), j’observe attentivement le processus. Sans prétendre être infaillible, ma capacité me permet toutefois souvent d’identifier les points de fragilité systémique. En restant vigilant au bon moment, je peux soit prévenir l’erreur in extremis, soit la signaler de manière constructive quand son impact est minimal.
C’est ça, la détection d’erreur renforcée : identifier le moment approprié pour intervenir sans réaction défensive, où l’analyse logique détecte les incohérences invisibles à l’approche intuitive. La fiabilité collective s’améliore drastiquement.
Ces trois exemples révèlent comment l’attention systémique complète l’intuition sociale. Pas de supériorité : des angles complémentaires créant une intelligence collective supérieure, présents dans toutes nos interactions quotidiennes.
J’ai découvert d’autres schémas fascinants de collaboration cognitive que j’explorerai dans de futurs articles, mais ces trois exemples suffisent à illustrer comment la diversité cognitive crée de la valeur systémique quand elle est reconnue et cultivée consciemment.
4.3 Ces Synergies Sont Partout
Au-Delà du Professionnel : Synergies Cognitives Quotidiennes
Ces exemples montrent comment ces synergies peuvent se cacher partout dans nos vies, dans les échanges les plus simples du quotidien.
Ces schémas révèlent des leviers stratégiques ignorés :
Intelligence décisionnelle : la complémentarité cognitive améliore la fiabilité des décisions critiques
Innovation accélérée : l’amplification de l’intuition par l’analyse explicite raccourcit les cycles d’innovation.
Résilience opérationnelle : la détection d’erreurs renforcée prévient les défaillances systémiques.
Pour les organisations sophistiquées, ces dynamiques représentent un différentiel compétitif au-delà des métriques de conformité.
Et pour que cette synergie s’exprime, il n’y a aucune nécessité de situations exceptionnelles ou environnements particulièrement complexes.
L’Enrichissement Mutuel Universel : Intelligence Collective
Si l’on arrête de penser en matière de capacités, d’enjeu, ou de performance, cela n’enlève absolument rien aux apports positifs et bénéfiques pour tous. Dans les échanges de la vie de tous les jours, différentes façons de penser peuvent se compléter et s’enrichir mutuellement.
Maintenant que je les vois, je me demande : combien d’autres personnes vivent ces mêmes dynamiques sans avoir les mots pour les décrire ?
Combien de ces enrichissements mutuels passent inaperçus simplement parce que personne ne sait qu’il faut les chercher ?
Ces schémas récurrents appellent des recherches empiriques rigoureuses : études longitudinales d’équipes cognitives diverses, analyses révélant des complémentarités implicites, mesures de performance selon les configurations cognitives. La littérature actuelle privilégie l’accommodation individuelle ; le territoire des synergies systémiques reste largement inexploré.
Combien de ces enrichissements mutuels passent inaperçus dans les recherches sur la diversité cognitive, simplement parce qu’on ne sait pas qu’il faut les chercher ?
5. Au-Delà de l’Individuel : Invitation à l’Intelligence Collective Cognitive
5.1 La Réalisation Progressive
Moment de Prise de Conscience
Je songe depuis longtemps à un espace d’écriture et de réflexion. Je prends des notes depuis plus de 20 ans, mais je ne les ai jamais mises en forme. Beaucoup d’idées se perdent bêtement au lieu d’être diffusées.
Ce que j’ai traversé ces dernières années dans ma démarche de quête de sens et d’identité est à la fois unique et représentatif.
J’avais passé le plus clair de ma vie à ne rien partager de mes idées les plus profondes, parce que j’avais ce sentiment d’être à part, de ne pas trouver d’écho. Plus je m’adaptais aux autres, plus je me perdais.
Bien que je ne me définisse pas par des étiquettes diagnostiques, force est de constater un sentiment d’appartenance très nouveau pour moi. Cette connexion par les similarités de fonctionnement que j’avais cru être le seul à vivre avait été initiée par mon diagnostic.
Et si je pouvais livrer le fond de ma pensée, après tout ? Cet écho et cette connexion valident un sentiment d’appartenance et m’ont convaincu de passer le pas.
Et si ce n’était pas que pour moi ?
5.2 Mes Limites et Biais
Reconnaissance de la Diversité
Il y a quelques années, j’aurais tu mes difficultés, persuadé que mon parcours professionnel me protégerait de toute fragilité. L’autisme m’apparaissait alors comme un ensemble de compétences, pas comme une expérience humaine complexe et nuancée.
Mon parcours n’est qu’une infime fenêtre sur l’immense spectre des expériences autistiques. Mon témoignage n’est ni universel ni exhaustif : il est simplement personnel et sincère.
Vulnérabilité Partagée
Malgré des compétences apparentes, au moment d’écrire ces lignes, je traverse des difficultés de réinsertion qui me rappellent combien la vulnérabilité est un territoire commun. Ma situation actuelle efface les frontières entre les “profils” : derrière les étiquettes, il y a des parcours humains, complexes, parfois douloureux.
Ce que je partage n’est pas un modèle, mais un fragment de réalité, un point de connexion possible.
Intention Éthique
Je ne cherche pas à parler “à la place de”, mais “avec” et “à côté de” la communauté autistique. Chaque expérience mérite d’être entendue, sans hiérarchie ni comparaison. Mon récit espère être un pont, pas un énième discours surplombant.
Aujourd’hui, j’ai compris que ma force réside moins dans mes compétences que dans ma capacité à reconnaître mes propres limites et à faire de l’espace pour la diversité des expériences.
5.3 Invitation Ouverte à la Construction Collective
Construction Collective
Ma démarche n’est pas figée mais plutôt une proposition vivante, un territoire d’exploration collective.
J’invite chacun, quelle que soit sa configuration cognitive, à apporter sa pierre : témoignages, contre-propositions, nuances personnelles. Comment percevez-vous ces ponts cognitifs que j’évoque ? Et même, les percevez-vous seulement ? Quelles expériences pourriez-vous partager qui enrichiraient, contesteraient ou transformeraient cette approche ?
Vision Future
Ce n’est pas seulement un essai, mais potentiellement le début d’une conversation transformatrice sur la diversité cognitive. Je souhaite que cette réflexion préfigure un espace où nos différences deviennent des ressources, pas des barrières.
Un principe guide ces échanges : l’authenticité et le respect mutuel. Aucune forme d’expression n’est moins légitime qu’une autre.
Travail en Cours
Je vais continuer à écrire pour comprendre. Chaque article sera une exploration, pas une démonstration. Chaque observation sera une question ouverte, pas une conclusion définitive.
Ce que j’ai découvert en écrivant, ces cinq schémas de collaboration que je n’avais jamais nommés, me montre que l’écriture elle-même est un outil de révélation. Combien d’autres découvertes m’attendent dans les prochains articles ?
Au-Delà de la Neurodiversité
Notre dialogue dépasse les frontières des catégories diagnostiques : il s’agit de comprendre la richesse des intelligences humaines dans toute leur complexité.
Chaque voix, qu’elle vienne d’un parcours académique, artistique, manuel ou de vie, peut éclairer ces ponts cognitifs que nous cherchons à construire.
Contactez-moi, partagez, challengez. Ensemble, nous écrirons les prochains chapitres de cette exploration.
5.4 Ce Que Je Ne Sais Pas Encore
Quelques semaines après avoir lancé NeuroLucide, je réalise que cette ligne éditoriale m’a révélé quelque chose d’inattendu : l’écriture elle-même est un pont cognitif.
Chaque article me fait découvrir de nouveaux schémas que je vivais sans les voir.
Ces 5 principes “garde-fous” ? Je ne les avais jamais nommés avant d’écrire cet article.
Combien d’autres attendent d’être révélés ?
Si cette exploration vous parle, rejoignez-moi dans cette découverte progressive.
Parce que la meilleure façon de comprendre la collaboration cognitive, c’est peut-être de la vivre ensemble.
Bibliographie
(1) Référence sur le mouvement de neurodiversité
Singer, Judy. (1999). Why can’t you be normal for once in your life? From a problem with no name to the emergence of a new category of difference. In Corker, Mairian & French, Sally (Eds.), Disability discourse (pp. 59–67). Open University Press. https://search.worldcat.org/fr/title/Disability-discourse/oclc/39182312
(2) Étude de référence sur le masquage autistique
Hull, L., Petrides, K. V., Allison, C., Smith, P., Baron-Cohen, S., Lai, M.-C., & Mandy, W. (2017). “Putting on My Best Normal”: Social Camouflaging in Adults with Autism Spectrum Conditions. Journal of Autism and Developmental Disorders, 47(8), 2519–2534. https://doi.org/10.1007/s10803-017-3166-5